Comment passer de l’incommunication à la communication dans la vie courante :
Dans le couple.
Vivre ensemble sur un même territoire, partager un espace d’intimité affective, psychologique et physique risque paradoxalement de réveiller l’ex-enfant qui est en chacun des membres de ce couple (ou en amont l’un ou l’autre des parents de l’homme ou de la femme). En termes de relation, un couple est un champ de conflits, de frictions et de confrontations quasi permanents où vont s’affronter
- des forces de cohésion (rapprochement et mise en commun = ce qui réunit et fait se rencontrer ou se rejoindre et tout ce qui est de l’ordre du même ou du semblable, du familier).
- des forces d’éclatement (individuation, différenciation = ce qui sépare et ses variantes autour de la confrontation à l’autre, à l’étrange(r) et à l’inconnu).
Vivre en couple dans la durée c’est tenter de partager avec cohérence et dans l’improvisation confuse parfois, une double dimension de l’intimité : d’une part une zone d’intimité commune, partagée et partageable, et d’autre part des espaces et des temps d’intimité plus personnelle et réservée. Ainsi la communication de couple se jouera-t-elle sur plusieurs registres qui ne se combinent pas toujours.
« Est ce que mes apports correspondent à tes attentes ? Est ce que mes attentes s’ajustent ou pas sur tes apports ? Qu’est ce qui fait que souvent tu touches en moi une zone si sensible, un point aveugle qui réveille mes blessures m’irrite et me fait réagir violemment alors que je me voudrais chaleureux et bienveillant ? »
La mise en pratique concrète de la Méthode E.S.P.È.R.E.® permet de devenir vigilant à ces enjeux et de respecter quelques règles d’hygiène relationnelle aussi bien avec l’autre qu’avec soi-même. À la longue, ces attentions portées en direction de la relation aident à renforcer, soutenir, les forces de cohésion du couple et nourrissent les engagements pris dans la durée tout en tenant compte de l’évolution de chacun.
Quelques balises favorisantes.
- Éviter de parler sur l’autre. Au lieu de dire : « Tu devrais laisser pousser tes cheveux ! » se positionner en parlant de soi à l’autre, en lui énonçant son propre point de vue : « C’est vrai que je te préfère avec des cheveux longs. »
- Oser parler de soi et inviter l’autre à parler de lui. Au lieu de dire : «Tu m’as fait passer pour un idiot l’autre soir chez nos amis ! » Pouvoir lui dire : « J’ai mal vécu ce que tu as dit l’autre soir sur moi» et l’inviter à parler de son vécu : « Pourrais-tu me dire ce que tu ressentais quand tu as évoqué ce sujet ?… »
- Tenter de diminuer (au lieu de l’entretenir et même de l’exacerber) l’incroyable distance qui existe parfois entre le style de discours masculin (plutôt cérébral, généralisant ou totalisant) et le mode d’expression féminin (plutôt émotif, sensoriel et plus centré sur le vécu et le ressenti immédiat). « Quand je te demande ce que tu ressens et que tu me réponds – “Je pense que…” – je ne me sens pas entendue dans ma demande et la sensibilité qui l’entoure. Ce qui m’intéresse, me touche et me rapproche de toi, c’est d’avoir accès à ce que tu éprouves là, au niveau du ventre, de la poitrine et non de la tête ou des idées…»
- Tenter d’accéder au ressenti et au retentissement, à ce qui est réveillé et qui résonne chez l’autre, par une invitation directe à se dire sur un plan personnel, dans une dimension intime : « J’ai bien senti que ce que j’ai dit (ou fait) a retentit en toi fortement, je ne sais si tu souhaiterais m’en parler, car cela me permettrait de m’approcher plus de toi… »
- Oser témoigner de sa propre histoire, des expériences de vie structurantes de notre histoire, évoquer et parler de l’enfant, de l’adolescent(e) que nous avons été. «Á six ans j’avais tellement peur des fantômes que j’avais inventé tout un système de protection autour de mon lit, qui était censé me protéger pour toute la nuit. Au petit matin je me levais tôt pour défaire les barricades et les défenses que j’avais élevées la veille. Il en reste encore des traces en moi, n’as tu pas remarqué tout le rituel dont je m’entoure au moment du coucher, ce qui semble t’irriter d’ailleurs, alors qu’il est très important pour moi !».
- Accepter que le ressenti, les croyances de l’autre, son imaginaire, lui appartiennent, que nous n’avons ni la responsabilité d’avoir le même, ni celle d’essayer de le modifier, mais seulement la possibilité d’en faire un terrain d’échanges et de confrontation. «Je sais combien tu es parfois gêné de sentir que je n’aime pas beaucoup ta mère, car il y a beaucoup de choses qui m’irritent chez elle. Et je suis souvent mal à l’aise de la complicité que tu sembles avoir avec mon père, alors que j’ai du mal à m’entendre avec lui… Mais c’est vrai que nous ne sommes pas toi et moi, dans la même relation vis-à-vis de chacun d’eux ! »
- Etre sensible au fait que nous n’avons pas les mêmes rythmes, les mêmes attentes et les mêmes zones de tolérance. Cela ne veut pas dire qu’il faut se complaire dans le compromis (car celui-ci n’est jamais très loin de la compromission). Pouvoir mettre des mots non seulement sur les différences mais aussi sur ce qui nous rapproche, – certains diraient apprendre à positiver -, peut aider grandement à dépasser les innombrables frustrations qui vont surgir au quotidien. «Quand tu veux me faire l’amour tout de suite, je suis touchée de ton impatience, mais parfois irritée que tu ne prennes pas plus de temps pour me rencontrer, pour me découvrir avant, pour échanger, se caresser partout et pas seulement là où tu crois que ce devrait être bon pour moi ! J’ai tenté souvent de te dire combien mon clitoris était sensible après l’amour et qu’il fallait se garder d’y toucher, et souvent aussi, je t’ai demandé, après l’amour de me serrer très fort et de me laisser un long moment dans l’immobilité et le plein de mon propre abandon vers toi…»
- Oser réactualiser ses engagements. Nous évoluons et nous changeons (le plus souvent grâce à l’autre) mais pas toujours dans le sens où celui-ci le souhaiterait. «Je ne suis pas le même homme aujourd’hui, que celui que tu as épousé il y a 10 ans. J’ai grandi, en quelque sorte, et j’ai peut-être moins besoin de m’appuyer sur toi, ce qui semble t’inquiéter et te faire craindre que je puisse m’éloigner de toi. Ce n’est pas ce que je ressens, au contraire… »
Avec les enfants
L’arrivée d’un enfant est l’équivalent d’un tremblement de terre dont les secousses sont parfois subtiles et indirectes. C’est un événement qui va obliger à une réorganisation de la relation de couple. Passer de deux à trois va demander à chacun une démarche de décentration et de clarification de sa position et un rééquilibrage des rôles (homme/femme, mari/épouse, papa/maman, père/mère, professionnel/professionnelle).
L’habileté des enfants est, nous le savons, de réactiver à tout moment l’ex-enfant qui est en nous et donc de nous déstabiliser, de nous décentrer de notre position d’adulte, d’entretenir le réactionnel en nous (tendance à agir et réagir) au détriment du relationnel (possibilité de rester consistant dans le lien et l’échange sans surenchérir en accentuant les rapports de force ni s’effondrer ou se culpabiliser). Par ailleurs leur créativité étonnante pour réveiller nos peurs et nos angoisses, va faire que nous allons intervenir ou faire surtout (même si nous nous en défendons) par rapport à ces peurs et non pour leurs besoins et attentes réelles, à eux. Un peu plus tard ils pourraient d’ailleurs apprendre à se dégager de cette emprise en osant nous dire : « Maman si tu as peur quand je sors le soir, il va falloir faire quelque chose pour tes peurs, car le fait de les déposer sur moi ne m’aide pas et même, me met en difficulté… »
« Papa, il se peut qu’avec mes mauvais résultats scolaires je réactive le souvenir de tes propres difficultés scolaires et les humiliations que tu as subies, mais je ne peux rien pour tenter de réparer toutes cela propres blessures à ta place. Je ne suis que ton fils et je ne peux pas tout pour toi. Il va falloir que tu te confrontes à tes propres démons, sans compter sur moi. Notre relation en sera d’ailleurs sûrement allégée et moins tumultueuse ».
- Avec les enfants (avec les adultes aussi) se rappeler que derrière toute question il y a une autre interrogation que celle qui est mise en avant, une demande implicite ou une attente non formulée directement. Plutôt que de leur poser des questions, il serait préférable de les inviter à se dire par une invitation ouverte : «Je ne sais si tu as envie de me parler de ce qui s’est passé pour toi en classe aujourd’hui ».
« Je te vois sursauter chaque fois que le téléphone sonne et te précipiter. Si tu pouvais m’en dire un peu plus, cela m’éviterait de faire des gaffes ou de raccrocher quand l’autre au bout du fils est déçue que ce soit moi ! »
- Ne pas confondre sentiment et relation. « Je t’aime et mon amour pour toi n’est pas remis en cause par ce que tu as fait ou dit et qui peut me gêner, m’irriter ou me blesser même. Mais c’est important pour moi de te dire que je suis vraiment en colère quand je vois comment tu t’es comporté». Une des façons de différencier le registre des sentiments et celui de la relation est de pouvoir renoncer à recourir systématiquement à l’expression “J’aimerais que…”. Eviter ce genre de formulation n’induit pas l’enfant à amalgamer la référence à l’affectif et les enjeux de la relation et ne l’entraîne pas à penser qu’il sera plus aimé s’il s’exécute ou moins aimé s’il n’obéit pas. « J’aimerais que tu prennes ta douche. J’aimerais que tu arrête d’embêter ta sœur. J’aimerais que tu éteignes cette foutue télévision devant laquelle tu es scotché depuis trois heures !»
- Apprendre à leur faire des demandes claires, précises et fermes (et les renouveler autant de fois qu’il est nécessaire) sans culpabilisations, accusations, comparaisons ou reproches. «Je te demande de prendre ta douche, de faire tes devoirs et j’insisterai autant de fois qu’il le faudra, jusqu’à l’exiger. Mais quand je suis dans l’exigence, cette manière de dire et de faire, cela nous infantilise tous les deux. Ce n’est pas ce type de relation que j’ai envie d’avoir avec toi, jusqu’à 18 ans !»
- Apprendre à poser des interdits clairs, précis et les renouveler autant de fois qu’il est nécessaire, sans entrer dans la plainte, le chantage, la menace ou la culpabilisation, en ne cherchant pas à tout expliquer ni à justifier le moindre de ses refus. «Je vis très mal quand tu m’empruntes des sous vêtements ou ma lingerie, pour aller au collège. Je suis d’accord pour t’en prêter ou faire des essais le dimanche ou quand nous sommes en vacances, mais pas pour que tu les portes à l’extérieur de la maison» (Inutile d’entrer dans les détails et d’en dire plus sur les motifs du désaccord).
- Ne pas confondre sanction et punition. La sanction est la réponse adaptée à une transgression. Elle est adaptée dans le sens où elle tombe au nom d’un interdit, d’une loi, en référence à un règlement intérieur ou un code posé en dehors et au-delà de celui qui prononce la sanction. « En roulant à 100 km/h en agglomération, je prends le risque d’être arrêté, de payer une amende et de me faire enlever des points à mon permis de conduire ». La sanction peut être une réponse énoncée dans un but de réparation des dommages causés. «L’objet que tu as au supermarché du coin, nous allons le ramener et le payer avec ton argent de poche…» « Pour les dégâts que tu as causés sur les murs de la classe je te demanderai de venir mercredi après-midi pour faire les nettoyages nécessaires ». La punition c’est la tentation d’ajouter une contrainte supplémentaire à la sanction. C’est une intervention plus arbitraire, énoncée sans une référence tierce, et qui procure une certaine jouissance à celui qui prononce le châtiment : « Puisque tu as volé, tu seras privé d’argent de poche ! » Ce qui n’aidera pas du tout l’enfant à… ne pas voler !
- Accepter de négocier avec soi même pour entendre où se situent nos propres priorités, plutôt que de tomber dans un harcèlement à répétition autour de demandes ou de refus. « Ce qui me semble urgent actuellement c’est de te demander de faire ta toilette, de t’habiller et de prendre ton petit déjeuner. Je préfère renoncer à te faire réviser tes leçons et à te demander de cirer tes chaussures…»
- Ne pas confondre leurs besoins (qui doivent être satisfaits ou comblés à court ou moyen terme) et leurs désirs qui eux, peuvent être entendus, valorisés, sans les disqualifier ou tenter de les dévalorisés en faisant appel à des arguments en rapport avec la réalité. Leur apprendre à mieux différencier le désir (qui est dans l’imaginaire de celui qui l’a), et sa réalisation (qui l’inscrit dans la réalité). « J’ai bien entendu ton désir d’avoir une moto, je ne vais pas répondre à ce désir, mais tu peux me dire ce que toi tu penses faire dès maintenant pour la réalisation de ce désir, qui pourra se concrétiser dans dix-huit mois quand tu seras en âge de passer le permis moto ! ».
- Pouvoir les accompagner dans leur vécu quand ils affrontent des situations imprévisibles ou atypiques (violences, rencontres malsaines) ou qu’ils se laissent entraîner à des comportements déviants (prise de drogue, racket, agressions). «Je souhaite que tu puisses me dire, ce qui s’est passé, ce qui t’as entraîné à faire cela, ce que tu as éprouvé ou ce qui a traversé ton esprit… Ce n’est pas ce que tu as fait qui me mobilise mais comment tu l’as vécu ! »
- Ne pas confondre la personne et le comportement. « Ce sont tes résultats scolaires négatifs qui m’angoissent et déclenchent une réaction de colère en moi. Je ne te confonds pas avec tes résultats, je ne te vois pas comme quelqu’un de négatif que j’ai envie de rejeter».
- Renoncer à chercher le pourquoi, l’explication d’un acte, d’un comportement ce qui entraîne le plus souvent des justifications (ou des mensonges) pour mieux entendre que les comportements sont des langages avec lesquels un enfant tente de dire l’indicible. «Je ne sais pas ce qui s’agite en toi, ni ce que tu tentes de dire, et à qui tu veux le dire, quand je te vois te ronger les ongles, mais ce doit être sacrement important, quand je vois mesure toute l’énergie et la ténacité avec lequel tu le fais !»
- Tenter d’entendre le langage des maux avec lesquels les enfants expriment l’indicible. «J’ai remarqué que chaque fois que je m’absentais plusieurs jours, ton corps se mettait en difficulté et en souffrance en tombant, en se cassant un doigt, en se coupant. S’il pouvait mettre des mots peut être serait il possible d’éviter de le crier avec des maux ! » Il ne s’agit pas de faire avec nos enfants des interprétations (pseudo) psychologiques, mais de les sensibiliser au fait qu’ils disposent pour tenter de se dire, d’une plus grande variété de langages qu’ils ne l’imaginent.
Dans le monde du travail
Se rappeler que travailler huit heures par jour, c’est vendre autant de temps de sa vie chaque jour. La question centrale n’est pas tant de savoir combien je vends cette vie, mais comment ? Sur ce plan du comment, des conditions et de la manière dont nous vendons du temps de notre vie nous nous y prenons souvent bien mal. Il y a beaucoup de “violences larvées” directes ou indirectes dans le monde du travail. Ce qui use, fatigue et épuise, ce sont les répétitions, les malentendus et les maladresses qui s’enchaînent à partir des mêmes scénarios, souvent interchangeables quelles que soient les situations. Le respect de quelques règles d’hygiène relationnelle, la mise en pratique de quelques outils (écharpe relationnelle, visualisation, symbolisation) favorisent des échanges plus fluides ou moins toxiques et surtout moins énergétivores.
- Privilégier la communication directe et ne pas entretenir la communication indirecte. « Si vous me parlez de ce qu’a fait ou dit votre collègue, je me sens démunis et ne souhaite pas entrer en matière sur ce sujet qui ne concerne pas notre relation. Si vous me parlez de vous, de votre ressenti par rapport à ce qui s’est passé, il me semble que je peux vous écouter et peut-être voir avec vous ce que vous pourriez faire pour sortir de votre malaise ou faire évoluer la situation…»
- Apprendre à ne pas mélanger les niveaux relationnels et à se positionner face à chacun de ces niveaux. La communication en entreprise est rendue délicate sinon difficile, par le fait que 4 niveaux sont sans cesse en interdépendance et n’arrivent pas toujours à se combiner harmonieusement.
- le niveau fonctionnel (faire bien ensemble) «J’ai le désir de pouvoir m’appuyer sur vos compétences et votre expérience et en même temps celui de sentir que pouvez vous appuyer sur mes ressources…»
- le niveau hiérarchique (pouvoir être bien à l’intérieur d’un rapport de force qui ne nous est pas toujours favorable) «Je suis plus à l’aise dans une relation de collaboration dans laquelle je peux avoir des initiatives que dans une relation d’exécution dans laquelle je n’utiliser qu’une toute petite partie de mes ressources…»
- le niveau inter relationnel (être bien avec l’autre) « Me sentir bien avec vous signifie que je ne me sens pas jugé, dévalorisé ou comparé, mais reconnu et accepté au plus prés de ce que je sens…»
- le niveau intra relationnel (être bien avec soi même) « Je ne remets pas en cause votre compétence, mais je ne me sens pas à l’aise avec vous. Certaines remarques que vous avez faites il y a quelque temps, réveillent mes doutes et me paralysent. Si je commence à vous identifier à mon père, ce n’est plus un collaborateur que vous avez en face de vous mais un petit garçon paniqué qui voudrait tellement bien faire qu’il va se planter à tous les coups». « J’apprécie beaucoup votre personne mais je vis mal quand vous faite intrusion dans mes dossiers et que vous prenez des décisions sans m’en informer».
- Ne pas confondre le oui d’accord et le oui d’engagement.
« Quand nous avons évoqué ce projet il y deux mois, je vous ai bien dit que j’étais d’accord sur le principe pour étudier le dossier et envisager une réalisation éventuelle, mais je ne vous ai pas confirmé cet accord, je ne me suis pas engagé à le réaliser ».
- Toute proposition, toute suggestion mérite d’être entendue et recueillie, ce qui ne veut pas dire qu’elle sera acceptée. « C’est important pour moi de sentir que ce que j’ai dit n’est pas tombé dans le vide, même si pour l’instant il ne vous est pas possible de l’accepter ».
- Faire une demande ouverte (qui ne soit pas une exigence déguisée) c’est prendre le risque que la réponse de l’autre ne me soit pas favorable. En ne m’identifiant pas à la demande, je ne m’identifie pas non plus à la réponse. « Souvent quand je faisais une demande et qu’elle était rejetée, j’avais le sentiment que c’était moi qui étais rejeté !»
- Faire circuler une information n’est pas communiquer. «Je croyais parce que j’avais dit ou remis une note, que l’autre avait entendu et était d’accord, suivant le principe – « qui ne dit mot consent ! » – » Aujourd’hui je vérifie d’abord : « Qu’avez-vous entendu dans ce que j’ai dit, quelle est votre position par rapport à ce point ou cette question ?»
- Au delà des faits, des paroles énoncées, ce qui est important au fond, c’est surtout comment ces faits ont été vécus, comment ces paroles ont été entendues. «J’ai besoin de vous dire comment j’ai entendu ce que vous avez dit et surtout ce que vos propos ont touché en moi».
- Autant que faire se peut, tenter de respecter les besoins relationnels de chacun des membres d’une même équipe : besoin de se dire, d’être entendu, valorisé, reconnu, d’avoir une intimité et de pouvoir exercer une influence même minime sur l’environnement immédiat.
Avec soi même.
En découvrant que c’est avec nous-mêmes que nous passons l’essentiel de notre vie, nous pouvons prendre un peu de temps pour nous accorder de l’attention, de la bienveillance et du respect.
Accepter d’être un bon compagnon pour soi, c’est apprendre à se positionner en son nom, avec ses propres mots, ses valeurs ou ses croyances (ne pas se laisser définir par les autres) c’est pouvoir s’affirmer (se confronter plutôt que de s’affronter, pour marquer les différences et les points de convergences), c’est prendre soin de ses propres besoins relationnels, au lieu d’attendre ou d’espérer que l’autre les prenne en charge (c’est le début de l’autonomie relationnelle et affective).
- Renoncer à l’accusation de l’autre et à l’auto dévalorisation. « Il y a encore quelques mois, j’oscillais entre deux raisonnements : d’une part je pensais que c’étaient aux autres de changer, d’arrêter de m’en vouloir et d’autre part je me disqualifiais en permanence, pensant que je n’étais pas à la hauteur, que je n’y arriverais pas… »
- Accepter de découvrir que nous sommes toujours trois dans une relation : l’autre, la relation et moi même. « Quand j’ai compris cela, j’ai pris conscience que j’étais bien responsable de ce que je ressentais, de ce que j’éprouvais dans telle ou telle situation. J’ai appris à me responsabiliser, à assumer ce qui se passait en moi».
- Toute démarche de changement suppose un travail d’archéologie personnelle sur son enfance, sur sa famille avec une éventuellement remise en cause de son passé. «J’ai pu dire à mon frère combien je l’avais détesté et que j’avais même souhaité sa mort quand il est né. J’avais d’un seul coup le sentiment qu’il prenait toute la place dans la maison, que je n’étais plus rien».
- Pouvoir dépasser le conflit entre besoin d’affirmation et besoin d’approbation
« Le jour où j’ai pu dire à mon mari que je partais huit jours en vacances toute seule, pour me retrouver un peu, j’ai compris trois choses importantes – que je n’aurais pas son approbation – que je lui faisais de la peine – que c’était essentiel pour moi d’accepter ce constat ! »
Avec nos parents.
Devenus adultes nous découvrons que nous sommes toujours vus comme des enfants (qui ont grandis certes) par nos parents. Ils continuent généralement à vouloir nous prodiguer des soins et des conseils sous diverses formes et à déverser sur nous leurs attentes angoissées nous concernant. Nous les aimons et cependant nous conservons avec eux beaucoup de contentieux liés d’une part à quelques situations inachevées de notre enfance et d’autre part à une évolution, à des croyances différentes sur de nombreux points, à des valeurs qui ne sont plus les mêmes, à des comportements parfois opposés face à l’éducation des enfants, aux choix professionnels, aux engagements politiques ou des choses plus triviales ou prosaïques qui font le quotidien, comme le choix de tel frigidaire ou de telle voiture, sur la vêture des enfants, leur scolarité, la façon de se tenir à table etc.
- Pouvoir parler, échanger, mettre en commun avec ses parents est toujours une aventure risquée, car ils se sentent responsables de notre bien être, impliqués par notre réussite ou nos échecs, concernés par notre bonheur et surtout par tout ce qui peut remettre en cause cette vision idyllique de la vie ou leur image de “bons parents”. Tenter de partager nos interrogations, nos doutes ou quelques unes de nos péripéties sentimentales ou autres de notre vie, c’est les inquiéter, les déstabiliser ou réveiller quelques culpabilités secrètes qui vont les assaillir et gâcher leur vieillesse.
« Je voudrais tellement parler avec mon père de ce qui m’arrive avec mon ami, mais je le sens si vulnérable. J’ai peur qu’il s’effondre ou se mette en colère en me disant qu’il m’avait assez prévenu. Alors je l’apprivoise, je lui pose des questions indirectes, je donne des exemples me concernant comme si c’étaient ceux d’une amie. Là il peut m’entendre et même me donner des conseils très utiles ».
- Utiliser la contextualisation. C’est une façon d’actualiser notre vécu en replaçant les faits dans le contexte historique où ils sont survenus. Pouvoir dire à nos parents d’aujourd’hui, que c’est à l’homme ou à la femme qu’ils étaient à 30 ou 35 ans quand nous avions 10 ans, que nous nous adressons en fait. Mettre des mots sur tout ce qui a été retenu, refoulé ou déplacé, nous permet souvent de les rencontrer et de changer la relation. On ne peut changer nos parents, mais on peut changer la relation que nous avons avec eux.
- Prendre le risque de la confrontation. Il ne s’agit pas de s’affronter, de vouloir convaincre, mais seulement de dire ce que nous sommes devenus aujourd’hui. «Le jour où j’ai pu dire à ma mère que je renonçais à me marier, après deux ans de fiançailles, j’ai compris que je n’aurais pas son approbation, que je blessais tout un rêve et que j’étais démunie pour l’aider à faire le deuil de ce gendre idéal qu’elle m’avait trouvé ».
- Veiller à confirmer que le lien existe toujours, que ce lien ne nous attache pas, mais qu’il nous relie et qu’il peut être alimenté par des messages positifs. S’il est nourri saturé de reproches, de culpabilisation, d’injonctions (de tous les enjeux du Système S.A.P.P.E.) alors il s’appauvrit, se blesse, devient moins fiable. « Je me sens ta fille et je te vois bien comme mon père. Peut-être as tu remarqué que depuis quelque temps, je te renvoie systématiquement ce qui n’est pas bon pour moi venant de toi. Mais as-tu aussi relevé que j’amplifiais tout le bon, que je confirmais les bons moments passés ensemble ?»
- Confirmer que la relation d’aujourd’hui a besoin de réciprocité. « Cela veut dire que je peux te parler, Maman, comme à une femme, avec la femme que je suis ! Que je peux avoir, Papa, des points de vue d’adulte qui sont différents des tiens, sans que tu te sentes pour autant un mauvais père, ni penser que tu as échoué avec moi…»
- Éviter de remettre en cause leurs valeurs et leurs croyances. « Je sais, Maman, que tu es contre l’avortement. C’est pour cela que je n’ai pu t’en parler à l’époque où j’ai vécu le mien. Je savais que j’allais blesser tes convictions religieuses. Aujourd’hui le fait de pouvoir t’en parler, de te dire comment j’ai vécu cet événement, ce qu’il a représenté pour moi sans me sentir jugée ou rejetée me soulage, me rapproche de toi».
- Se donner les moyens d’échanger, de partager avec eux, quand nous approchons d’un âge où il leur est arrivé quelque chose d’important. En établissant des reliances, des ponts ou des passerelles entre un événement de notre vie et de la leur au même âge, nous pouvons mieux entendre combien nous sommes parfois des enfants fidèles, porteurs de loyautés invisibles et tenaces. « J’ai découvert que j’ai fait une fausse couche, au même âge que tu avais, toi, quand tu as quitté Papa…»
- C’est avec nos parents qu’il nous appartient de faire preuve de vigilance et même d’indulgence ou de patience si nous voulons vraiment éviter de se nous heurter ou d’entretenir quelques uns des autosaboteurs qui polluent notre vie. En particulier en les invitant de ne plus pratiquer “l’appropriation”, quand ils s’emparent de nos propos comme s’il s’agissait de reproches, qu’ils se rendent responsables de ce qui s’est (mal) passé ou pas passé, qu’ils s’imaginent automatiquement que c’est à cause d’eux que nous avons fait ceci ou cela, que nous avons divorcé ou échoué dans tel ou tel domaine. « Papa quand je tente de mettre des mots sur ce que j’ai vécu avec toi, ce n’est pas une accusation ou une mise en cause de ta personne. Si tu prends tout ce que je dis comme une attaque, je ne peux plus rien dire, je suis bâillonnée, interdite de paroles ! » Nous pouvons aussi passer à une proposition concrète : «Lorsque je te parle, je te demande simplement de m’écouter… je n’attends pas de toi une réponse, une solution ou une justification, mais juste ton écoute et si possible l’expression de ton ressenti du moment».